Papeterie de Docelles : Si Florange avait existé
Le groupe finlandais UPM a décidé de fermer la plus vieille papeterie de France entraînant le licenciement de 161 salariés. Ces derniers ont développé un plan de reprise en SCOP qui a obtenu les financements nécessaires à sa réalisation. Mais UPM refuse de vendre le site et préfère perdre de l’argent plutôt que de maintenir des capacités productives. Les salariés organisaient ce samedi 24 mai une journée portes ouvertes.
Samedi 24 mai, les salariés de la papeterie de Docelles dans les Vosges organisaient une journée portes ouvertes dans l’objectif de faire connaître leur projet de SCOP ainsi que le refus d’UPM, la maison-mère, de céder l’usine à un prix raisonnable. Pour mémoire, le géant finlandais UPM a décidé en décembre 2013 de fermer la plus vieille papeterie de France entraînant la suppression de 161 emplois. La moitié des salariés ont alors décidé de monter un projet de reprise en SCOP qui aurait permis de créer immédiatement 110 emplois avec un objectif de 160 dans les deux ans. Le projet diversifiait cette usine dans l’emballage alimentaire et les papiers spéciaux, marchés qui n’entrent pas dans la stratégie d’UPM. Tout souriait à ce projet : un business plan solide validé par l’UR SCOP avec le soutien du Conseil général des Vosges et de la Région Lorraine. Le fonds de roulement nécessaire au projet – 12 millions d’euros – était financé. Il ne manquait plus que la cession de l’usine.
Alors que le groupe finlandais indiquait auparavant qu’il ne s’opposerait pas à une cession gracieuse de l’usine, il s’est mis à en exiger un prix. Les salariés ont proposé de racheter le site pour 3 millions d’euros. UPM s’est mis subitement à en réclamer 12 millions. Somme ahurissante pour une usine qui ne trouvera aucun preneur. Il faut dire que dans le passé, une offre avait, préalablement au projet de SCOP, été proposée par un repreneur privé pour une somme largement inférieure à la proposition des salariés, offre qui avait déjà été repoussée par UPM. L’évidence est là : UPM n’a pas l’intention de céder l’usine. Ce groupe est aujourd’hui en réorientation stratégique dans les énergies à base de bois et ne souhaite pas se diversifier dans l’industrie papetière. Néanmoins, il préfère geler l’outil industriel pour ne pas laisser de capacités productives excédentaires en Europe, quitte à s’asseoir sur quelques millions d’euros. Comme UPM refuse de céder l’usine, les salariés ont l’intention de contester leurs licenciements aux Prud’hommes. Non seulement UPM n’encaissera pas 3 millions d’euros, mais en plus cela risque de lui coûter plusieurs dizaines de millions en indemnités pour licenciements injustifiés. Une paille pour un groupe qui, dans le contexte d’un chiffre d’affaires 2013 déclinant (-4 %), a su augmenter ses profits de 23 % à 683 millions d’euros.
C’est dans ce contexte que les salariés organisaient cette journée portes ouvertes. Quasiment tous les maires du canton de Bruyères et des cantons voisins de Brouvelieures et de Remiremont étaient présents. Christian Poncelet, Président du Conseil général des Vosges était représenté par le maire de Docelles, Christian Tarantola. Par petits groupes d’une vingtaine de personnes, les salariés faisaient visiter les équipements de la papeterie et expliquaient leur projet. Près de mille personnes se sont rendues sur place pour y rencontrer les salariés. C’est dire l’émoi qui règne dans cette région face à l’intransigeance d’un groupe qui n’a d’autre motivation que de protéger ses marges. Cela représente un coût social énorme : 161 personnes sans emploi, une région qui se meurt lentement faute d’industries.
Le candidat Hollande n’avait-il pas, lors de la campagne présidentielle, promis un projet de loi – appelé Florange – qui obligeait toute société souhaitant fermer un site industriel à rechercher un repreneur et à le céder au cas où une offre se présenterait ? Ce projet de loi a largement été édulcoré et ne figure plus que comme une disposition de la loi ESS qui indique seulement que la recherche d’un repreneur sera nécessaire pour l’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Dans le cas présent, il n’y a qu’une seule offre, celle des salariés, la seule qui permette de conserver ces emplois dans la région. Face l’intransigeance du groupe UPM, il n’y a guère plus qu’une solution : réquisitionner l’usine pour la mettre dans les mains de la SCOP.