Lip. 29 septembre 1973 : la marche sur Besançon
Après l’évacuation de l’usine de Palente par les forces de l’ordre le 14 août 1973 (voir précédent épisode), la solidarité avec les Lip s’est amplifiée. Avec Lip Unité comme bulletin régulier de référence et d’information dans toute la France des comités Lip se multiplient. Ces comités diffusent l’information sur les marchés, par affiches, vendent des montres. Car malgré l’occupation policière de l’usine, la vente continue et les autorités n’ont pas réussi à localiser et récupérer le « Trésor de guerre » pris en garantie par les travailleurs. Le 31 août, la deuxième « paie sauvage » est versée aux grévistes dans le cinéma Lux qu’ils occupent. L’étape nouvelle, du point de vue de la mobilisation, c’est la « marche sur Besançon », manifestation nationale prévue pour le 29 septembre. La tension CFDT/CGT n’empêche pas le succès, et la pluie non plus. Dès le vendredi soir, des stands des organisations syndicales, politiques, des comités sont installés et des milliers de personnes passent la nuit sur place après un premier rassemblement concert. Dès le samedi matin arrivent les trains spéciaux et les cars affrêtés dans toutes les villes. Le cortège démarre au début de l’après-midi de la prairie de Châteaufarine. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants, sans doute près des 100 000 revendiqués (la préfecture en compte 30 000 pour sa part, et on n’y intègre évidemment pas les 25 000 policiers et gendarmes mobilisés face aux « hordes sauvages » annoncées). Au bout de 8 kilomètres c’est le meeting CGT, CFDT, FEN, FO place Battant. Toutefois, l’appel national intersyndical n’a pas prévu de donner la parole aux Lip, et les comités Lip sont relégués en arrière Il est vrai que les pratiques des Lip : décisions prises en AG, préparées commissions, actions illégales mais légitimes, apparaissent hétérodoxes à certains… Autres temps, autres mœurs !
C’est dans ce contexte, avec ce rapport de forces que les Lip, qui avaient rejeté le 3 août le plan du ministre Charbonnel, abordent la poursuite de la négociation avec Henri Giraud, le médiateur nommé par le gouvernement. A Arc-en-Senans, le 1er octobre la nouvelle proposition Giraud prévoit toujours des licenciements : 180, et il faut y rajouter 54 prérétraites. Quant aux acquis des luttes sociales antérieures, plus question d’en parler. cantine et transports seront à la charge des salariés et du comité d’entreprise, et les salaires devraient être bloqués pour au moins six mois. Le vendredi 12 octobre un vote à bulletin secret donne 626 voix à la motion CFDT pour la poursuite de la lutte, 174 à la motion CGT pour la reprise du travail et 17 abstentions.Trois jours plus tard, le premier ministre Pierre Messmer annonce « Lip c’est fini »… du moins le croit-il.
A suivre…